Pays bleu, Le - 1 - Les cailloux bleus by Signol Christian

Pays bleu, Le - 1 - Les cailloux bleus by Signol Christian

Auteur:Signol, Christian [Signol, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terroir
ISBN: 9782221107027
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 1984-11-30T23:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

Le temps des nuages

9.

Un hiver sans neige avait passé, puis un printemps auréolé de brises tièdes et de rosées, un été sans orage et un automne, enfin, dont les vendanges exceptionnelles avaient déversé sur le causse toute la suavité des futailles bondées. L’année 1909 apportait avec elle les frimas et le gel que l’on avait fini par oublier. Janvier naissait en blanc, empanaché de frises d’argent dans les matins frileux.

Chez les Laborie, il semblait que le temps se fût arrêté depuis longtemps, et pourtant bien des choses avaient changé : Mélanie travaillait maintenant au château où elle aidait Fernande qui, à plus de soixante ans, avait besoin d’une aide. À quinze ans, Mélanie paraissait déjà femme : grande, mince, les yeux d’un noir profond, les cheveux de jais, elle attirait le regard des hommes sans s’en apercevoir, trop timide et trop innocente pour oser s’en approcher. Philomène l’avait d’ailleurs mise en garde contre le rouquin : « Surtout ne jamais rester seule avec lui », avait-elle dit ; mais aussi contre les domestiques qui emmenaient parfois les journalières embauchées aux moissons et aux vendanges dans les granges ou les fenils.

La mère, elle, avait été contrainte d’abandonner la couture et de se louer aux beaux jours dans les métairies. En effet, si, après la mort de Marguerite, elle avait fait face aux commandes en cours, celles-ci n’avaient pas été renouvelées. Sans doute le peu de goût manifesté par la couturière pendant les derniers mois de sa vie avait éloigné définitivement les clientes. C’est du moins ce que s’était dit la mère, sans se douter que sa cuisine en terre battue, son éternel tablier noir, ses manières de paysanne habituée à parler davantage de brebis que de toilettes, avaient incité les femmes des alentours assez riches pour se payer des robes, à se tourner vers les couturières des gros bourgs. Faute de commandes, la pauvre femme avait pris le parti le plus sage : se louer l’été et filer pendant l’hiver, quand il n’y avait plus de travail dans les champs, la laine qu’elle allait chercher dans les métairies. Le château ? Elle y avait bien songé, mais, comme Mélanie devait quitter le presbytère, elle avait préféré l’y laisser entrer, car il n’était bien sûr pas question de demander deux places la même année. D’ailleurs Abel n’eût sans doute pas accepté une telle situation.

On ne mangeait donc plus que de la soupe dans la maison des chênes, et on attendait avec impatience le retour du fils qu’Armand avait promis de payer non plus comme un apprenti, mais comme un ouvrier. Et il était enfin venu en permission l’été précédent, ce fils, après un an et demi d’absence, dont douze mois de prison. Seul Mestre savait ce qui s’était passé à Perpignan. Pour les femmes, Abel avait inventé des histoires auxquelles elles n’avaient rien compris. Au reste, toutes à leur joie de le revoir enfin, elles n’avaient pas insisté outre mesure pour connaître les raisons des permissions sans cesse reportées.

En ce début



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